1- Voix – Voyages immobiles

Sois pluriel comme l’univers, dit Pessoa.

Je suis assis sur ma chaise.

Enfermé, coincé entre 4 murs et tout à coup je suis.

Je suis la forêt d’où l’on vient.

Racines et origines.

Je suis la couleur bleue, un ciel d’été.

Je suis bleu clair – piscine parfois –

et je fais nager mes rêves et mes pensées.

Je suis un nuage glissant vers le Cap Vert.

Je suis moi.

Je suis un livre de poésie.

Un débris de poésie.

Une horloge qui ne marche pas.

Tombant, sur une pierre, je suis mort.

(Peut-être.)

Je suis, je suis une question sans réponse.

Je suis pluriel encore.

Encore.

Je suis un éclair. Le fantasme de les tuer tous.

(Parfois.)

(Je dis ça dans un grand rire.)

Je suis le quotidien.

Une pile à 75 centimes de Lidl.

Monnaie courante.

Je suis. Je suis une feuille vierge. Le soleil amoureux.

L’automne est là. Je suis une feuille volant, s’envolant.

Un sac en plastique roulant ici et là.

On ne me remarque pas.

Je suis un ballon. Unique. Et c’est tout.

Rien à dire de plus.

Et passé l’éclair, c’est le tonnerre qui vient.

La justice. La défense.

Je suis l’avocat de l’univers.

Un arbre aussi.

Là. En bas d’une cité.

C’est moi.

Je suis nuage encore.

Bleu et rose cette fois.

Nuage simplement joyeux d’être là.

Et du ciel à la terre, il n’y a qu’un pas.

Je me fais verte.

Une fleur. Une tulipe.

Je vis, oui, je vis dans la nature.

Le bruit m’entoure – Y a pas de silence ici.

Je suis le désert. Orange.

Le désert du Sahara.

Je suis aussi de temps à autre une armoire.

Une armoire sans porte dévorant les humains.

(C’est fantastique, ça !)

(Oui, c’est fantastique, j’ai le droit.)

Je suis encore le vent.

Le vent au sommet des montagnes.

La force de l’air.

Et là, mon souffle se pose.

Je ne suis plus que celui ou celle-là.

Assis entre 4 murs.

Je me tais.

Vous savez, au fond, si peu de moi.

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